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l'annonciation

L'annonciation

La figure de l'ange dans l'art

On se retrouve aujourd’hui pour un décryptage pour le moins… angélique !

En effet, il s’agira pour moi de vous faire comprendre et de vous permettre de décrypter à votre tour les scènes de l’Annonciation. 
Dans cette perspective, on s’intéressera aussi d’abord à la figure  de l’ange dans l’art. 

Mais pourquoi les anges sont-ils si présents dans les tableaux ? Dans les sculptures ? Pourquoi interviennent-ils auprès des divinités et des personnages importants ? 

La fonction essentielle de l’ange réside dans son nom ( qui signifie messager ) et son existence même : il est envoyé par Dieu et pour Dieu. L’ange est le messager d’une instance plus grande. 

Les anges sont proches de Dieu par leur transcendance et leur mission est justement de rapprocher les hommes de cette dimension céleste. 

Vous pouvez utiliser les termes qui vous parlent le plus : messagers, intercesseurs, médiateurs, entremetteurs… ils représentent finalement un maillon entre deux mondes, deux plans : le plan céleste/cosmique et le plan terrestre. 

La figure de l’ange témoigne de la présence de Dieu au cœur même de son apparente absence du monde.

Les anges que l'on peut rencontrer

Les plus importants sont ceux que l’on appelle les Séraphins, les Chérubins et les Trônes : ils sont vraiment au service de la louange de Dieu, au plus proche de lui. Ils administrent en quelque sorte la “cour” de Dieu. 

On trouve ensuite les Seigneuries, les Principautés et les Dominations : eux s’occupent de la marche du monde voulue par Dieu. 

Enfin, les archanges et les anges s’occupent du service exclusif des hommes et de leur avenir spirituel. C’est souvent eux que l’on voit intervenir dans l’iconographie. 

Les anges garantissent l’harmonie et la beauté : de sorte que le cosmos devienne une immense théophanie. Une énergie et une lumière issues de Dieu et portées par les anges qui se diffractent avec une intensité de plus en plus ténue, dans un dégradé harmonieux et subtil. 

Si vous voulez une liste exhaustive des fonctions angéliques fixées par Dieu, je vous conseille de jeter un œil au Livre des Jubilés, qui raconte de façon détaillée le récit de la Création à l’Exode. 

Saint Thomas d’Aquin, dans sa somme théologique nous propose une synthèse des fonctions de l’ange dans ce qu’il appelle “La Quadruple Action de l’Ange” que je vous partage juste ici : 

  • L’ange agit sur l’intelligence humaine : il rappelle à l’homme la vérité divine en la mettant à la portée de son intelligence : pour ça, il habille la vérité divine d’images séduisantes : c’est donc la fonction métaphorique de l’ange.
  • L’ange porte, transporte la parole de Dieu : il la fait passer à l’homme qui la reçoit. Il pousse l’homme à adhérer à cette vérité. 
  • L’ange travaille sur l’imaginaire de l’homme, au travers de sa fonction parabolique, dans les récits dans lesquels il intervient. 

L’ange agit sur les sens de l’homme, grâce à sa fonction impressive, de façon à rendre sensible à l’homme la volonté de Dieu.

Auprès des hommes, comment ça se passe ?

Quid de l’intervention des anges comme on a l’habitude de la voir ? Auprès des hommes, les anges témoignent d’une révélation, d’un appel à être au monde de Dieu comme nous le dit l’auteur*. 

*Yves Cattin – « Les anges et leur image au Moyen Age, co-écrit avec Philippe Faure aux éditions Zodiaque

Un avant et un après Jésus ?

Il semble que oui, en effet, la venue de Jésus vienne troubler et remettre en cause la fonction des anges et leur rôle. 

Saint Paul le souligne d’ailleurs dans sa lettre à Timothée , il affirme que les anges ne sont plus que des témoins de l’incarnation du Christ. Que ce dernier est désormais le seul médiateur, et ministre de l’alliance entre l’homme et la divinité. 

Donc l’arrivée de Jésus bouleverse l’angélologie juive traditionnelle foisonnante. Car Jésus propose au croyant un nouveau rapport à la transcendance. 

La distance avec Dieu,  adoucie par le ministère des anges, est abolie après Jésus. 

Dans une muette adoration, l’homme et l’ange se taisent.

Mais maintenant, intéressons-nous au thème iconographique du jour, celui de la scène de l’Annonciation.

C'est quoi l'Annonciation ?

L’annonciation est fêtée dans l’Eglise depuis le sixième siècle, fêtée le 25 mars soit 9 mois exactement avec la fête de la Nativité. 

C’est une scène de l’iconographie religieuse largement représentée. Elle dépeint le moment où l’archange Gabriel annonce à Marie qu’elle s’apprête à mettre au monde un fils, Jésus. Elle rétorque : “Comment cela pourra-t-il se faire, puisque je suis vierge ?” Gabriel lui répond : “L’esprit saint viendra sur toi (…) voilà pourquoi celui qui va naître sera saint et sera appelé fils de Dieu.”

On trouve le récit de l’Annonciation dans l’évangile de saint Luc

Cependant, les récits apocryphes, à partir de son maigre texte, ont enrichi le texte originel. On peut donc trouver les détails supplémentaires dans La légende dorée de Jacques de Voragine ! 

Les détails en question concernent surtout le déroulé de la scène, on y voit une annonciation en deux étapes : 

→ d’abord la vierge est saluée par un ange au moment où elle puise l’eau à la fontaine. 

→ elle tisse ensuite la pourpre destinée au voile du temple : c’est là que l’archange Gabriel survient et lui annonce qu’elle engendrera Jésus. 

Souvent, les Pères de l’Eglises opposent deux scènes pour mettre en valeur les scènes du nouveau testament en les reliant aux origines. 

Dans ce cas là, la virginité de Marie est mise en rapport avec le buisson ardent qui brûle sans jamais se consumer. 

Qui est gabriel ?

Gabriel est un ange du livre de Daniel, son nom signifie « force de Dieu ». Avant d’apparaître devant Marie pour lui annoncer la venue de Jésus, il apparaît devant le prophète Daniel pour annoncer la venue du Messie. Il est donc au service de Dieu pour annoncer la nouvelle de l’arrivée du Christ.

Dans certains textes chrétiens, l’archange Gabriel est considéré comme la personnification de l’Esprit Saint.

Quels sont les codes iconographiques de cette scène ?

Michel Pastoureau nous aide à repérer les attributs classiques dans son ouvrage “ La bible et les saints – Comprendre et reconnaître les principales représentations religieuses occidentales” 

  • L’archange a l’aspect d’un jeune homme
  • Il se tient debout devant la vierge. 
  • Il est muni d’ailes et d’un bâton de messager
  • La vierge est en train de tisser la pourpre

Dès le 5eme siècle on note une mutation :

  • L’archange vient de la gauche.
  • Marie apparait conformément à la première étape : elle puise de l’eau dans une cruche.

Puis, encore plus tard, autour du 10 et 11e siècle : 

  • La vierge est tantôt assise sur un trône, tantôt debout écoutant l’archange

Au cœur du Moyen Âge, on note que les artistes mettent en avant les sensations et les sentiments. On se retrouve alors face à deux cas de figure :

Marie se trouve dotée d’une expression d’impératrice, comme si elle trônait au milieu des anges.

Marie est dépeinte comme effrayée devant l’ange et ce qu’il lui annonce. Son regard part parfois vers le ciel.

Et la colombe alors ?

Et oui, parce que, dans toute cette histoire, quand Gabriel dit à Marie qu’elle enfantera “lorsque l’Esprit saint viendra sur elle” il faut bien pouvoir le représenter cet Esprit Saint. C’est ainsi le rôle de la colombe. C’est à partir du 13e siècle que la présence de la colombe se généralise.

Ou ça ? Généralement la colombe se situe au-dessus de la tête de Marie. Cette dernière est alors souvent représentée en train de lire un livre. 

Ce dernier, s’il est ouvert dévoile la prédiction d’Isaïe “Voici que la Vierge aura un enfant” ( Es, 7; 14 )

Puis, puis le Moyen Âge avance, plus on situe le cadre de l’Annonciation dans des cadres de plus en plus somptueux.

Un lys ?

Si, comme moi vous vous intéressez beaucoup aux végétaux, c’est la présence de la fleur de lys ( Lilium castitatis ) surtout dans les scènes de l’Annonciation qui a dû vous marquer !  Pourtant, le lys n’intervient dans l’iconographie de l’Annonciation que vers la fin du Moyen Age. 

La première présence d’un lys dans le jardin de l’Annonciation est due au grand novateur qu’était Fra Angelico (A. dite de Montecarlo, v. 1440, San Giovanni Valdarno, Musée de la Basilique).

Michel Pastoureau suggère que le lys remplace quelque part le bâton de messager. 

Il intervient aussi et surtout dans le cadre de l’Hortus Conclusus. Un thème iconographique bien précis en plein essor chez les humanistes de la première Renaissance. Mais ça, c’est pour  plus tard !

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Maintenant vous saurez, je l’espère, reconnaître les scènes de l’Annonciation entre toutes!

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