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Le magazine de référence du marché de l’art

Bacchus par simeon salomon, 1867, birmingham museum

“Le thyrse était un grand bâton en bois de cornouiller, orné de feuilles de lierres  et surmonté d’une pomme de pin. Parfois le lierre était remplacé par la vigne et la pomme de pin par la grenade, tous des ingrédients symboliques qui rappelaient Bacchus”

 

Le thyrse, en voilà un symbole ( et un mot!) peu connu. C’est celui que nous avons décidé de mettre à l’honneur aujourd’hui pour cet article.

Mais ce n’est pas une mince affaire, car pour comprendre le thyrse, il faut quelques préalables : comprendre la geste de Dionysos, le dieu auquel est associé cet attribut. 

Après cela, nous aurons tous les tenants et aboutissants pour réaliser et comprendre les nuances qui se trouvent dans ce noble bâton de cornouiller. 

 

NOTA BENE : je ferai référence à la même divinité en employant indifféremment Bacchus ( nom romain ) ou Dionysos ( nom grec ) 

 

Ses différents niveaux de lecture nous demandent une méthode et une approche toute particulière pour que le thyrse nous révèle tous ses secrets. Et ça, Baudelaire l’avait déjà compris. 

 

Ce dernier fait une différence entre son sens :

  • moral et poétique 
  • purement matériel et physique : une lance enguirlandée de lierre
 
Le thyrse ne représente pas seulement l’attribut du dieu et de sa suite mais le signe privilégié de l’initiation aux rites et aux mystères dionysiaques.

Desquels il nous faut alors connaître le déroulé, les acteurs, le rôle… Tout un programme ! 

 

Nous le verrons, il est à la fois un instrument sacré et une arme, résonne à travers les airs et sert à frapper le sol,  fait jaillir l’eau et produit le miel.. une baguette magique en somme.

Dyonysos et le sème de la fertilité

Le thyrse est particulièrement éclairant comme symbole car il révèle que Dionysos a été adoré comme un dieu de la végétation et de la fertilité  avant de devenir le dieu de la vigne et du vin. 

Mario Meunier, un commentateur des traductions des Bacchantes d’Euripide, nous dit qu’il est bon de rappeler que Dionysos, antique dieu de la végétation avait d’abord été adoré sous la forme d’un arbre entouré de lierre.

Le thyrse pouvait donc être la survivance de cette lointaine représentation divine : c’était l’attribut et le bâton des initiés. 

Tout d’abord, dans une perspective associée au monde de l’art, posons-nous cette simple question : avec qui voit-on Dionysos dans l’iconographie ?

Dionysos et Apollon

Selon Pierre Pelou, dans son ouvrage Fenêtre sur l’art, Zeus et ses dieux, on peut retrouver Bacchus et Apollon associés car ils symbolisent des principes différents en étant tous deux des divinités protectrices de l’art. 

Bacchus est le dieu des grands astres et de la végétation, dieu de la fertilité puis de la vigne et du vin. il est le ganos ; l’humidité vivifiante qui gouverne notre émotion. C’est l’élan vital qui jaillit des profondeurs. Bacchus serait plutôt associé à la dimension terrestre alors qu’Apollon est une divinité davantage solaire. 

 

Ainsi, pour sa représentation et son iconographie, il faudrait garder en mémoire que les fruits avaient comme une âme et qu’ils seraient tels des attributs religieux et sanctifiés. 

 

S’il peut être facilement identifié à Apollon ou représenté avec lui, c’est encore plus souvent qu’on le voit avec Cérès/Déméter, déesse de l’agriculture, des moissons et de la fertilité..

Dionysos et Cérès

En effet, tous les deux, ils partagent le sème de la fertilité.

C’est Euripide qui fait dire à Tirésias que les deux premières divinités, les deux principes essentiels que doivent honorer les hommes sont Bacchus et Cérès car ce sont eux qui assurent aux mortels leur nourriture. 

Ils représentent la puissance végétative du printemps. Leurs règnes partagés correspondent aux temps de paix et d’abondance. 

 

Bacchus, lui, est la puissance surnaturelle qui, au sein même de la nature, unit les fécondités.

les bacchantes / Ménades

Elles sont appelées Ménades chez les Grecs et Bacchantes chez les Romains. Elles sont quasiment systématiquement représentées avec Bacchus. 

Bacchante vient du latin bacchans qui est un participe présent du verbe bacchor qui signifie “délirer”. 

 

Mais qui sont-elles vraiment ? On le sait grâce à Euripide et sa tragédie Les Bacchantes.

Elles sont celles qui font partie du thiase, c’est-à-dire du cortège dionysiaque. Selon Pierre Pelou, les ménades venaient d’Egypte où elles accompagnaient le vagabond Bacchus. 

 

Plongeons dans leur iconographie et leurs attributs : 

 On les reconnaît grâce : 

 

  • au thyrse

  • à la nébride, qui est une peau de cervidé 

  • à la pardalide : le vêtement traditionnel des prêtres égyptiens ( le culte de Bacchus s’y trouve présent également ) : une peau de léopard qui pendait dans le cou, retenue par les deux pattes de devant nouées sous le cou.

  • aux serpents s’enroulant sur leurs cuisses et leurs bras.

  • à leurs visages souvent cachés, camouflés. 

À QUOI CELA RESSEMBLAIT QUAND LES BACCHANTES SE RASSEMBLAIENT ?

Lors de ces cérémonies, des sacrifices avaient lieu, afin de rendre hommage au dieu de la fertilité et de le remercier. 

Cet hommage se traduisait par des sacrifices mais également par un état de transe, induit par la danse, la musique et la communion avec la nature. 

Pour les sacrifices, on retrouvait ( et on retrouve alors dans les tableaux ) la présence de boucs ou de chèvres, car ils mangeaient les sarments de la vigne, des pies. 

Et des végétaux étaient toujours présents : souvent ceux que l’on dit sempervirens ( qui signifie toujours vert en latin )  lierre, thyrse, chêne, sapin… : cela peut être facilement interprété du fait du lien avec la fertilité de Dionysos : toujours vert, toujours vivant, symbolisant la fertilité en tout temps. 

 

Euripide, par sa tragédie, nous apprend, à travers l’épisode du récit d’un bouvier qui a vu les bacchantes, la réalité d’un cortège. Le bouvier raconte cela à son roi, Penthée, pour l’informer de ce qui se passe dans les confins sauvages de son royaume.

 

Il décrit une assemblée de femmes partagée en trois choeurs, chacun mené par l’une d’elles : 

  • Autonoé 

  • Agavé 

  • Ino 

 

Lorsque l’une d’entre elles entend mugir les bêtes à cornes, qui ont sans doute vu l’homme également, elle réveille le thiase. 

Ainsi, se succèdent plusieurs actes : une bacchante frappe de son thyrse un rocher, duquel sort de l’eau de source. Une autre plante sa hampe dans le sol et le dieu en fait sortir du vin. Enfin, une autre, déchire du bout des doigts la terre pour en voir sortir un lait abondant. Le berger décrit également des thyrses ruisselant de miel. 

Il raconte alors que les bergers qui passaient par là projetèrent d’enlever Agavé pour faire plaisir au roi. 

Mais, lorsqu’elles le comprirent, elles devinrent furieuses et réduisirent leurs troupeaux en pièces.

Après cela, les serpents qu’elles portaient enroulés sur leurs bras léchaient le sang qui restait sur elles.

 

Avant de se retirer, le bouvier conseille au roi d’ouvrir la ville à ce dieu qui donne la vigne et le vin.

 

S’ensuit un épisode particulièrement sanglant où elles tuent Penthée, le roi,  qui s’est caché dans un buisson pour les épier – suite au discours du berger- dans l’espoir de mettre fin au chaos sauvage.. En effet, elles le prennent pour une bête sauvage, le mettent en pièce et fichent sa tête au bout d’un thyrse. 

mAIS QUELLE SYMBOLIQUE POUR LES BACCHANTES ? POURQUOI UN TEL COMPORTEMENT ?

Ce sont Geneviève Pruvost et Coline Cardi qui éclairent cette question dans Penser la violence des femmes.

Selon elles, les ménades furieuses sont à penser en rapport avec celle de l’idéal normatif et patriarcal, de la femme-mère.  On voit donc un contraste entre le rôle social des femmes : la procréation,  et les exploits sanglants des ménades. 

Ainsi, dans Les Bacchantes d’Euripide, on voit que lorsque les femmes abandonnent leur foyer pour rejoindre le thiase, elles finissent dans la folie. 

Le “ménadisme” a même donné son nom à une pathologie : un délire convulsif qui faisait aller les femmes jusqu’à l’épuisement voire l’insensibilité. 

 

Mais hors ces épisodes sanglants lorsqu’on s’en prend à la vie sauvage, et qu’on appelle le sparagmos ( un sacrifice humain ou animal codifié selon le démembrement et la manducation des parties crues ) leur rôle est d’accompagner le thiase avec leurs tambourins, leurs cymbales, leurs thyrses et leurs danses, pour mener à une transe, une énergie collective du cortège.  Elles sont accompagnées de satyres, qui eux, jouent de la flûte.

 

Il est dit que pour cela il y a deux façons de faire : 

  • Les hommes boivent jusqu’à l’ivresse 

  • Les femmes dansent.

 

Cette folie, dont on parle ici, et que Bacchus communique à son cortège, selon Louis Gernet dans Anthropologie de la Grèce antique, le dieu s’en sert pour guérir, ou châtier selon la situation.

 

Enfin, ce que nous en dit Paul Diel, dans Le symbolisme dans la mythologie grecque, c’est qu’il voit en elle le symbole du déchaînement frénétique des désirs multiples. D’une libération à l’égard de tout. Et dont le châtiment serait l’écartèlement. 

 

Maintenant que nous avons fait le tour de ceux avec qui Dionysos est représenté attardons à sa vie à lui ! Cela nous donnera des pistes pour appréhender le thyrse.

le thyrse

Sa naissance

Dans la tradition iconographique, le thyrse est généralement attribué à Bacchus, ou Dionysos, le “deux-fois né”, Diogonos : pourquoi deux fois ? 

Dans la traduction gréco-latine, il est le fils de Jupiter/Zeus et de la nymphe Sémélé. Il est deux fois né car lorsque Sémélé était enceinte, sur une ruse d’Héra elle demande à Zeus, son amant, de se révéler dans toute sa splendeur. 

Héra sachant très bien qu’elle ne pourra pas supporter cette vue. Elle meurt. 

Ainsi, c’est Jupiter qui porte lui-même Bacchus dans sa cuisse pour lui permettre de finir de se développer. 

 

Cela ne se fait pas attendre, la pauvre se fait foudroyer par la puissance de Zeus. On trouve ce thème développé dans beaucoup de tableaux.

Inos et Athamas

Une fois sorti de sa cuisse, Zeus fait confier l’enfant à Ino et Athamas afin qu’ils l’élèvent. Mais Héra n’en a pas fini, elle frappe de folie les deux époux : ils finissent par tuer leurs deux enfants : Léarque et Mélicerte. Ino finit alors par se jeter dans la mer. Prise de pitié par les divinités marines, elle est elle-même transformée en divinité marine. 

Quant à Athamas : Prenant son fils Léarque pour un cerf, il le pourchasse et le tue. Il est chassé de Béotie et va consulter l’oracle de Delphes qui lui conseille de s’installer là où des bêtes sauvages l’inviteraient à leur repas.

 

Donc finalement Zeus doit trouver une autre solution. Il décide de le confier aux nymphes aux confins de l’Asie. 

Bacchus mis en nourrice avec les nymphes

Une fois sorti de sa cuisse, Zeus fait confier l’enfant à Ino et Athamas afin qu’ils l’élèvent. Mais Héra n’en a pas fini, elle frappe de folie les deux époux : ils finissent par tuer leurs deux enfants : Léarque et Mélicerte. Ino finit alors par se jeter dans la mer. Prise de pitié par les divinités marines, elle est elle-même transformée en divinité marine. 

Quant à Athamas : Prenant son fils Léarque pour un cerf, il le pourchasse et le tue. Il est chassé de Béotie et va consulter l’oracle de Delphes qui lui conseille de s’installer là où des bêtes sauvages l’inviteraient à leur repas.

 

Donc finalement Zeus doit trouver une autre solution. Il décide de le confier aux nymphes aux confins de l’Asie. 

L'errance de Bacchus

Avant d’arriver en Grèce, Dionysos voyage. Il est originaire, on le rappelle, d’une région située entre la Turquie et la Grèce.  Au cours de cette errance, il rencontre plusieurs femmes avec lesquelles il est parfois représenté. 

 

Il arrive alors en Attique où le roi Icarios l’accueille avec un bon repas arrosé de lait. 

En remerciement, Bacchus lui offre un plant de vigne. Et le dieu lui apprend à transformer le raisin en vin. 

Le roi, ravi, présente alors le vin à ses bergers mais ceux-ci deviennent ivres, et pris de peur d’avoir été empoisonnés, ils tuent le roi. 

 

  • Erigone

Sa fille, Erigone, découvre cela et cherche à tout prix le corps de son père. Elle n’y parviendra que grâce aux efforts de leur chienne Maïra. 

Mais lorsqu’elle trouva le tombeau, de désespoir, elle se pendit à un arbre. Ayant pitié de cette famille sur laquelle il avait malencontreusement attiré les malheurs, Bacchus décida d’envoyer Icarios, Maira et Erigone au ciel, sous la forme de constellations. 

C’est la constellation du Bouvier, de la Vierge et Sirius. 

Selon certains textes, Bacchus tombe amoureux d’Erigone et se transforme en grappe de raisin pour la séduire.

Mais lorsqu’elle trouva le tombeau, de désespoir, elle se pendit à un arbre. Ayant pitié de cette famille sur laquelle il avait malencontreusement attiré les malheurs, Bacchus décida d’envoyer Icarios, Maira et Erigone au ciel, sous la forme de constellations. 

C’est la constellation du Bouvier, de la Vierge et Sirius. 

Selon certains textes, Bacchus tombe amoureux d’Erigone et se transforme en grappe de raisin pour la séduire. 

 

  • Déjanire

Bacchus continue ainsi à cheminer, tel un vagabond et arrive alors en Étolie, non loin du golfe de Corinthe. 

Là-bas il est accueilli par Oenée, roi de Calydon ( dont nous avons déjà parlé dans l’article consacré à Méléagre rappelez-vous ! ) et sa femme Althée. 

Il se trouve qu’Althée plait beaucoup à Bacchus. Et la réciproque est vraie également car de leur union naîtra un enfant : Déjanire. 

Le roi Oenée feint de ne s’apercevoir de rien et pour le remercier, Bacchus lui offre la vigne et surtout de donner son nom au breuvage : c’est ainsi que oinos , vin en grec, viendrait du nom d’Oenée, roi de Calydon.

Certains auteurs aiment dire que l’oenologie devient la science du divin, née d’un adultère divin. 

Déjanire devient une femme déterminée et qui manie les armes avec habileté. Elle épousera plus tard un certain Hercule, qu’elle mène à la mort en lui offrant, involontairement ( selon les versions )  une tunique empoisonnée.

 

  • Ariane

Dionysos  continue encore et toujours son périple et arrive sur l’île de Naxos. Là-bas, il voit la belle 

Ariane.

Elle est en pleurs, adossée à un rocher. Pourquoi ça ?  

Elle vient d’être abandonnée par son époux Thésée.

Oui rappelez-vous, Ariane aide Thésée à vaincre le Minotaure grâce à une pelote de laine. En échange, le héros promet de l’emmener avec lui et de l’épouser. Lorsqu’ils arrivent sur l’île de Naxos après une tempête, Ariane s’endort pour se remettre de cet éprouvant voyage. Seulement, à son réveil, Thésée et son équipage sont partis. À cela, on trouve deux raisons selon les versions : il paraît que c’est Athéna qui dit à Thésée de laisser Ariane ici car elle était promise à Dionysos. 

De son côté, Aphrodite réconforte Ariane en lui racontant ses futures noces avec Dionysos. Elle lui remet également une couronne d’or ( que Dionysos changera par la suite en constellation ), comme cadeau de mariage. 


C’est après cet épisode que l’on rencontre le thème le plus fréquemment associé à Dionysos dans l’iconographie, ce que l’on appelle son triomphe”. Dans le sens latin de triumphus, c’est-à-dire de cérémonie officielle

avec quoi ?

Ainsi, dans son triomphe, une fois que l’on connaît sa vie et ses compagnons, on est capable de saisir le sens des symboles. C’est là toute la force des récits et de ce qu’ils transmettent ! 

 

On trouve, de près ou de loin, toujours liés à Bacchus : 

 

  • Des gros félins : parmi lesquels surtout : léopards, tigres, lynx : témoins de la diffusion du culte de Dionysos en Asie mineure, il ramène de ses voyages ces animaux sauvages. Qui ne sont pas sans faire écho à la nature brute et sauvage qu’il incarne. Mention spéciale pour le léopard dont les ménades se parent parfois ( tradition ramenée d’Egypte ici, avec la pardalide nous l’avons vu ) 

  • Des serpents : les ménades en portent dans leurs boucles. Et ils effacent de leurs langues les traces des sacrifices qu’elles font. Le serpent fait partie du bestiaire originel, il rappelle lui aussi, rampant à même le sol, la nature primitive de l’homme, auquel le culte de Dionysos fait écho. 

  • Des boucs, chèvres, des taureaux : ils appartiennent, eux, au bestiaire dionysiaque car sont liés à la vigne dont ils mangent les sarments. Certains textes disent que le dieu lui-même a été transformé un temps en chevreau par Hermès, sur ordre de Zeus. Aussi, ils sont importants car liés à une idée de “force primitive” dont Bacchus se fait le porte-parole. C’est pour cela que parfois il est représenté avec des cornes. N’oublions pas non plus les satyres qui sont des créatures hybrides mi-bouc et qui sont omniprésentes dans le thiase.  

  • Un âne : c’est un âne qui sert de monture à Dionysos lorsqu’il combat les Titans ! Ces derniers sont d’ailleurs effrayés par le cri de l’animal. Jamais loin de Silène, le précepteur de Dionysos, l’âne permet à Silène, qui est toujours ivre, de se déplacer. Enfin, lorsque Dionysos fut frappé de folie, lui aussi par Héra, certains disent qu’il alla consulter un oracle et que lorsqu’il devait, sur son chemin passer un marais qui entravait sa marche, il rencontra un âne qui lui permit de le passer. 

  • La couronne d’or : corona borealis : vous vous souvenez du cadeau de mariage d’Aphrodite pour Ariane et Dionysos ? Le dieu la prendra et la transformera en constellation par la suite.

  • Du lierre : étroitement lié au sème de la fertilité et de l’immortalité, le lierre fait partie des plantes “toujours vertes” associées au culte et au dieu. Facilement “invasive”, de par sa facilité de propagation, elle insiste sur cet aspect de nature sauvage transmis par le dieu. Aussi, par la confusion entre le lierre et la vigne et leur ressemblance physiologique, certains peintres et sculpteurs ont pu superposer les deux plantes. Enfin,, et c’est un point important : Dionysos, par tout ce que nous venons de voir, était aussi un symbole de “réconciliation”, de “cohésion”, mots-clés découlant de ses sèmes premiers. Ainsi, à Athènes était organisé un festival en l’honneur du dieu. On y sacrifiait un taureau. Dans les jours qui suivaient, les différents dramaturges grecs présentaient leurs travaux et s’affrontaient lors d’un concours. Le mot tragédie viendrait alors de tragos (bouc) et oidos (chant) : soit le chant du bouc. On couronnait alors les meilleurs dramaturges de lierre, en hommage à Dionysos. 

Ce qui nous emmène enfin à parler du thyrse !

Le thyrse

Évidemment, le thyrse est porteur, dans sa symbolique de toute l’histoire que nous venons de raconter.

Mais outre cette dimension socio-culturelle et littéraire, il est intéressant d’appréhender cet objet avec un autre prisme. En considérant l’objet pour lui-même et ce qui le compose. 

Ainsi, avant toute chose, il conviendrait de s’intéresser à son statut de “bâton”, autrement dit d’objet qui est destiné à être tenu où représenté de façon verticale. 

 

C’est alors ici que nous voyons se dessiner, selon Gilbert Durand dans Les structures anthropologiques de l’imaginaire, le sème de l’élévation. Cet auteur parle même en termes de “verticalisation souveraine” car des notions importantes comme celles de puissance et de royauté qui font partie de la symbolique verticale. Rappelons par exemple le sceptre ou le glaive, auxquels sont attachés des symboliques guerrières ( le thyrse est aussi une arme nous l’avons vu ) et royales. 

Après tout, le culte de Dionysos, d’après des fouilles archéologiques est considéré comme l’un des premiers cultes grecs attestés, ce qui en fait, d’une certaine manière le roi des dieux. 

Il règne, en roi, en démiurge, sur la nature sauvage qu’il accompagne et c’est bien lui qui civilisera les provinces avec le vin qu’il produit. 

Nous voyons donc toute une symbolique qui gravite autour de la notion de puissance. Ici, dans notre cas, il s’agit bel et bien de la puissance de la nature sauvage. 

Cela vous fera peut-être penser à l’échelle de Jacob ou bien à l’imaginaire de Dante, que l’on considérait comme le plus “verticalisant” des poètes ou bien encore à l’ascension mystique de Saint Jean de la Croix. Tout cela est mû par cette même dynamique. À présent, elle ne vous sera plus inconnue. 

 

Aussi, le thyrse est intéressant symboliquement si l’on réfléchit en termes de polarités

En effet, si la majorité du bâton est en bois et donc renvoie à une dynamique plutôt active, masculine, ce qu’on qualifierait de “yang” en Asie, le lierre et la vigne, en s’enroulant, le mouvement de la spirale étant éminemment “féminin” car associé au mouvement premier de la vie, les deux s’unissent pour créer ce parfait équilibre qui permet une ouverture à la connaissance globale. 

 

Cela nous emmène sur la dernière symbolique éclairante du thyrse : son lien étroit à la connaissance. Et c’est la pomme de pin qui le surmonte qui vient investir ce sème. En effet, la pomme de pin, de tout temps, a étroitement été liée à la connaissance. La glande pinéale, aussi appelée “troisième œil” entretient un lien étroit avec la pomme de pin car elles se ressemblent beaucoup. C’est pourquoi la pomme de pin symbolise souvent l’éveil spirituel, lorsque l’on atteint la connaissance. 

 

On peut dire ainsi que la boucle est bouclée car ce que propose Dionysos, c’est bien l’accès à la connaissance du fertile, de la nature sauvage à travers son don de la vigne, qui marquera le début d’une civilisation. 

 

nota bene

Il est bien entendu à garder en tête que tout ce qui touche au culte de Dionysos, comme ceux d’autres dieux, est soumis à précaution et connaît différentes variantes selon les cultures, les régions, les contextes socio-culturels etc.

Le culte de ce dieu de la fertilité étant particulièrement déployé en termes géographique, cela entraîne nécessairement des variations.